• Voilà je suis prête à mettre en ligne ce blog qui regroupe des moments de vie, de réflexion, de voyages....



  • EXPRESSIONISTISKT TÅG[1] 

     

    Till Karin[2], Katherine[3], Edith[4] och Anna[5]

     

    Je dois être volonté de puissance

    Pour ne pas céder à la mort.
    Nietzche.


     

     

     

     

     Le train

        des années vingt

                        roule sur la neige marbrée

    d'Abisko.

    Elles sont là,

    en dérive des cieux,

    toutes en clair-obscur

    dans le wagon des mânes.

     

    Edith rétive à la douleur,

    Caresse  son reflet

    de ses  doigts pathétiques.
    Anna se redresse,

    le regard ébloui

    de ressac glacé.
    Face à elles, Karin

    écoute  murmurer les vents

    le long des terres hiémales.

    Katherine, lovée dans le silence,

    Frissonne.

    Aux confins de l'hyperborée,

    Elles  offrent leur somptueux exil

    Aux entrailles de la  nuit.

     

    Substine. Abstine.[6]

    Karin a les yeux de la Vélata,

    insatiables d'une passion

    sans but ni enclâve. Prêtresse des bannies,

    elle a fait sa valise et a poussé

    la porte du jardin printanier.

     Alingsås sommeillait.
    Personne n'était là

    Pour la retenir.
    Vad ska jag ta mig till ?[7]
    Personne n'aurait pensé…

     

    Les villes changent de nom. Uméå,
    Hosanna -eaux et ciel s'étreignent

    Aux tréfonds d'un hiver

    qui encrasse l'âme et prend en otage

    toutes les pensées. Convulsions de  fjells[8] et de rails.

    Ténèbres foisonnantes. Ingenstans.[9] Ingenstans.

    Aurtrefois une rive. Autrefois…

     

    Brune de sa pudeur orphique

    Anna s'endeuille, marmoréenne,

    dans les flots rouges de la Néva. Elle marche,

    marche digne

    l'angoisse claque dans son sillage

    entre les croix crépusculaires

    bruisse sa Russie

    exsangue de toutes ses prières.
    Niet eto nie ia- eto-kto-drouroi stadayet…[10]

    Mère fatale, mère sanglante orpheline

    Et bourreau. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?

    -"Qu'y-a-t-il ?" Elle pose sur Karin la mélancolie d'un regard.

    -"Je délire. Ne m'écoute pas."

    Sur la vidda[11] sans étoile, les nuages s'égrènent.

    Entrelacs d'insolents espaces. Katherine effleure

    Son reflet.
    "Let us live on memories. [12]

    Rapprochons nous de l'Autrefois,

    guerrières aux  boucliers de mots,

    et combattons jusqu'à la lie.
    Odeur calcinée de l'attente dans la douleur

    tandis que  derrière elles s'effondre

    le siècle mugissant.

    -"Les hurlements des loups, les entends-tu ma sœur ?"

     

    Résignée., Karin décroise les mains.

    "L'homme m'a ravi tout espoir.

    Les loups peuvent bien hurler.

    Ils sont chez eux.

    Nous ne sommes que des  étrangères. 

    Et puis, qu'importe ce qu'il advient car de l'enfer

    qui me ronge, je ne saurai jamais guérir."

     

    " Et pourquoi guérir de l'Amour ?"

    Edith, de son sourire, pénètre le silence glacé.

    "Nous sommes volonté et puissance, systrar![13]

    Ne cédons pas au néant. Armorisons ensemble l'éternité.
    Chaque  instant sera la semence

    de notre  poésie. Chaque mot sera fulgurance.
    Notre foyer ici-bas se dessine

     entre les larmes de l'aurore.

    Tombe le chêne en plein midi.

    S'ouvre la fleur noctiflore.

    Mais c'est la vie, mes soeurs, mais c'est la vie !"

     

    What is the meaning of it all ?[14]

    What is the meaning of it all ?

     

    Karin s'ensevelit dans l'ombre. Vie et mort mêlées.

    Déchirement du tout.

    "Må natten komma då[15]."

    "Le lointain pays nous attend mes soeurs. Ecoutez!

    Je l'entends déjà!"

    Ciel marbré d'éclairs. La voix russe

     se hisse des braises.

    "On a tué ma mémoire.[16]"

    "On a tué ma mémoire."

     

    Elle devine les hordes farouches

    qui mordent dans le vent.

    Katherine laisse échapper les fines perles

    de son rire.

    "Tu as raison, Edith! Et si la vie…"

     Karin se penche, subjuguée-

    une lumière au loin, là-bas. Une fenêtre dans la nuit.

    Ses yeux lui brûlent. Elle sent en  elle battre la vie.

    Edith, épouse de l'univers qu'elle fait chanter…

     

    Les remparts de borée s'effacent. Le vent entaille les flocons.

    Où allons- nous ? Le savez-vous ? Ingenstans. Ingenstans.

    Comme un train qui déraille à jamais.

    Transpercées d'infini, elles s'uniraient en une vision d'azur.

    "Tournons la page. Regardons planer l'eider céleste.
    Croyons en la résurrection."

    Katherine se sent lasse soudain.

    Karin ferme les yeux. Edith regarde au loin.

    Anna soupire tandis qu'avide, le train s'élance

    A travers la plaine enneigée, tandis que susurrent les nornes[17]

     

    "Vad ska jag ta mig till ?" "Ingenstans.

    Ingenstans." "Niet eto nie ie."

    "Let us live on memories."
    "On a tué ma mémoire. "

    "What is the meaning of it all ?"

     

    "-Quelle est ta destination, ma soeur ?"

    -"La vallée de Josaphat. Loin des morgues et des prisons ou

    mon refuge sur la Fontanka."

    -"Le sanctuaire de sa présence ou une église aux senteurs d'encens."

    -" Là où je serais guérie, livre de discerner à travers le vécu"

    Edith  repousse son livre:

    -          "Le pays qui n'existe pas. Celui où toutes nous allons, mes sœurs

    où toutes nous allons…"

    Tandis qu'inlassable,

    le train

    sillonne

    les siècles

    multipliés.


     

     



    [1] Train expressionniste

    [2]  Karin Boye (1900-1941) femme écrivain et poétesse suédoise.

    [3]  Katherine Mansfield (1888-1923) écrivain new-zélandaise.

    [4] Edith Södergran  (1888-1923)   poétesse finlandaise

    [5] Anna Akhmatova (1889-1966) poétesse russe

    [6] Supporte et abstiens-toi.

    [7]  Vers quoi vais-je me tourner ? (suédois)

    [8]

    [9] Nulle part. (suédois)

    [10] Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre. Je ne pourrais souffrir ainsi. A Akmatova

    [11]  Etendue glacée du nord de la Scandinavie.

    [12] "Vivons de souvenirs." Katherine Mansfield.

    [13]  Mes sœurs (suédois) Edith Sôdergran. Poèmes.

    [14]  Que signifie tout cela ? Katherine Mansfield.

    [15]  Qu'alors vienne la nuit…(extrait de la Bible)

    [16]  Anna Akmatova. Poèmes.

    [17]  Les trois nornes du passé, du présent et de l'avenir (mythologie scandinave)

    EXPRESSIONISTISKT TÅG[1] 

     

    Till Karin[2], Katherine[3], Edith[4] och Anna[5]

     

    Je dois être volonté de puissance

    Pour ne pas céder à la mort.
    Nietzche.

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le train

        des années vingt

                        roule sur la neige marbrée

    d'Abisko.

    Elles sont là,

    en dérive des cieux,

    toutes en clair-obscur

    dans le wagon des mânes.

     

    Edith rétive à la douleur,

    Caresse  son reflet

    de ses  doigts pathétiques.
    Anna se redresse,

    le regard ébloui

    de ressac glacé.
    Face à elles, Karin

    écoute  murmurer les vents

    le long des terres hiémales.

    Katherine, lovée dans le silence,

    Frissonne.

    Aux confins de l'hyperborée,

    Elles  offrent leur somptueux exil

    Aux entrailles de la  nuit.

     

    Substine. Abstine.[6]

    Karin a les yeux de la Vélata,

    insatiables d'une passion

    sans but ni enclâve. Prêtresse des bannies,

    elle a fait sa valise et a poussé

    la porte du jardin printanier.

     Alingsås sommeillait.
    Personne n'était là

    Pour la retenir.
    Vad ska jag ta mig till ?[7]
    Personne n'aurait pensé…

     

    Les villes changent de nom. Uméå,
    Hosanna -eaux et ciel s'étreignent

    Aux tréfonds d'un hiver

    qui encrasse l'âme et prend en otage

    toutes les pensées. Convulsions de  fjells[8] et de rails.

    Ténèbres foisonnantes. Ingenstans.[9] Ingenstans.

    Aurtrefois une rive. Autrefois…

     

    Brune de sa pudeur orphique

    Anna s'endeuille, marmoréenne,

    dans les flots rouges de la Néva. Elle marche,

    marche digne

    l'angoisse claque dans son sillage

    entre les croix crépusculaires

    bruisse sa Russie

    exsangue de toutes ses prières.
    Niet eto nie ia- eto-kto-drouroi stadayet…[10]

    Mère fatale, mère sanglante orpheline

    Et bourreau. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?

    -"Qu'y-a-t-il ?" Elle pose sur Karin la mélancolie d'un regard.

    -"Je délire. Ne m'écoute pas."

    Sur la vidda[11] sans étoile, les nuages s'égrènent.

    Entrelacs d'insolents espaces. Katherine effleure

    Son reflet.
    "Let us live on memories. [12]

    Rapprochons nous de l'Autrefois,

    guerrières aux  boucliers de mots,

    et combattons jusqu'à la lie.
    Odeur calcinée de l'attente dans la douleur

    tandis que  derrière elles s'effondre

    le siècle mugissant.

    -"Les hurlements des loups, les entends-tu ma sœur ?"

     

    Résignée., Karin décroise les mains.

    "L'homme m'a ravi tout espoir.

    Les loups peuvent bien hurler.

    Ils sont chez eux.

    Nous ne sommes que des  étrangères. 

    Et puis, qu'importe ce qu'il advient car de l'enfer

    qui me ronge, je ne saurai jamais guérir."

     

    " Et pourquoi guérir de l'Amour ?"

    Edith, de son sourire, pénètre le silence glacé.

    "Nous sommes volonté et puissance, systrar![13]

    Ne cédons pas au néant. Armorisons ensemble l'éternité.
    Chaque  instant sera la semence

    de notre  poésie. Chaque mot sera fulgurance.
    Notre foyer ici-bas se dessine

     entre les larmes de l'aurore.

    Tombe le chêne en plein midi.

    S'ouvre la fleur noctiflore.

    Mais c'est la vie, mes soeurs, mais c'est la vie !"

     

    What is the meaning of it all ?[14]

    What is the meaning of it all ?

     

    Karin s'ensevelit dans l'ombre. Vie et mort mêlées.

    Déchirement du tout.

    "Må natten komma då[15]."

    "Le lointain pays nous attend mes soeurs. Ecoutez!

    Je l'entends déjà!"

    Ciel marbré d'éclairs. La voix russe

     se hisse des braises.

    "On a tué ma mémoire.[16]"

    "On a tué ma mémoire."

     

    Elle devine les hordes farouches

    qui mordent dans le vent.

    Katherine laisse échapper les fines perles

    de son rire.

    "Tu as raison, Edith! Et si la vie…"

     Karin se penche, subjuguée-

    une lumière au loin, là-bas. Une fenêtre dans la nuit.

    Ses yeux lui brûlent. Elle sent en  elle battre la vie.

    Edith, épouse de l'univers qu'elle fait chanter…

     

    Les remparts de borée s'effacent. Le vent entaille les flocons.

    Où allons- nous ? Le savez-vous ? Ingenstans. Ingenstans.

    Comme un train qui déraille à jamais.

    Transpercées d'infini, elles s'uniraient en une vision d'azur.

    "Tournons la page. Regardons planer l'eider céleste.
    Croyons en la résurrection."

    Katherine se sent lasse soudain.

    Karin ferme les yeux. Edith regarde au loin.

    Anna soupire tandis qu'avide, le train s'élance

    A travers la plaine enneigée, tandis que susurrent les nornes[17]

     

    "Vad ska jag ta mig till ?" "Ingenstans.

    Ingenstans." "Niet eto nie ie."

    "Let us live on memories."
    "On a tué ma mémoire. "

    "What is the meaning of it all ?"

     

    "-Quelle est ta destination, ma soeur ?"

    -"La vallée de Josaphat. Loin des morgues et des prisons ou

    mon refuge sur la Fontanka."

    -"Le sanctuaire de sa présence ou une église aux senteurs d'encens."

    -" Là où je serais guérie, livre de discerner à travers le vécu"

    Edith  repousse son livre:

    -          "Le pays qui n'existe pas. Celui où toutes nous allons, mes sœurs

    où toutes nous allons…"

    Tandis qu'inlassable,

    le train

    sillonne

    les siècles

    multipliés.


     

     



    [1] Train expressionniste

    [2]  Karin Boye (1900-1941) femme écrivain et poétesse suédoise.

    [3]  Katherine Mansfield (1888-1923) écrivain new-zélandaise.

    [4] Edith Södergran  (1888-1923)   poétesse finlandaise

    [5] Anna Akhmatova (1889-1966) poétesse russe

    [6] Supporte et abstiens-toi.

    [7]  Vers quoi vais-je me tourner ? (suédois)

    [8]

    [9] Nulle part. (suédois)

    [10] Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre. Je ne pourrais souffrir ainsi. A Akmatova

    [11]  Etendue glacée du nord de la Scandinavie.

    [12] "Vivons de souvenirs." Katherine Mansfield.

    [13]  Mes sœurs (suédois) Edith Sôdergran. Poèmes.

    [14]  Que signifie tout cela ? Katherine Mansfield.

    [15]  Qu'alors vienne la nuit…(extrait de la Bible)

    [16]  Anna Akmatova. Poèmes.

    [17]  Les trois nornes du passé, du présent et de l'avenir (mythologie scandinave)

    EXPRESSIONISTISKT TÅG[1] 

     

    Till Karin[2], Katherine[3], Edith[4] och Anna[5]

     

    Je dois être volonté de puissance

    Pour ne pas céder à la mort.
    Nietzche.


     

     

     

     

     

     

     

     

    Le train

        des années vingt

                        roule sur la neige marbrée

    d'Abisko.

    Elles sont là,

    en dérive des cieux,

    toutes en clair-obscur

    dans le wagon des mânes.

     

    Edith rétive à la douleur,

    Caresse  son reflet

    de ses  doigts pathétiques.
    Anna se redresse,

    le regard ébloui

    de ressac glacé.
    Face à elles, Karin

    écoute  murmurer les vents

    le long des terres hiémales.

    Katherine, lovée dans le silence,

    Frissonne.

    Aux confins de l'hyperborée,

    Elles  offrent leur somptueux exil

    Aux entrailles de la  nuit.

     

    Substine. Abstine.[6]

    Karin a les yeux de la Vélata,

    insatiables d'une passion

    sans but ni enclâve. Prêtresse des bannies,

    elle a fait sa valise et a poussé

    la porte du jardin printanier.

     Alingsås sommeillait.
    Personne n'était là

    Pour la retenir.
    Vad ska jag ta mig till ?[7]
    Personne n'aurait pensé…

     

    Les villes changent de nom. Uméå,
    Hosanna -eaux et ciel s'étreignent

    Aux tréfonds d'un hiver

    qui encrasse l'âme et prend en otage

    toutes les pensées. Convulsions de  fjells[8] et de rails.

    Ténèbres foisonnantes. Ingenstans.[9] Ingenstans.

    Aurtrefois une rive. Autrefois…

     

    Brune de sa pudeur orphique

    Anna s'endeuille, marmoréenne,

    dans les flots rouges de la Néva. Elle marche,

    marche digne

    l'angoisse claque dans son sillage

    entre les croix crépusculaires

    bruisse sa Russie

    exsangue de toutes ses prières.
    Niet eto nie ia- eto-kto-drouroi stadayet…[10]

    Mère fatale, mère sanglante orpheline

    Et bourreau. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?

    -"Qu'y-a-t-il ?" Elle pose sur Karin la mélancolie d'un regard.

    -"Je délire. Ne m'écoute pas."

    Sur la vidda[11] sans étoile, les nuages s'égrènent.

    Entrelacs d'insolents espaces. Katherine effleure

    Son reflet.
    "Let us live on memories. [12]

    Rapprochons nous de l'Autrefois,

    guerrières aux  boucliers de mots,

    et combattons jusqu'à la lie.
    Odeur calcinée de l'attente dans la douleur

    tandis que  derrière elles s'effondre

    le siècle mugissant.

    -"Les hurlements des loups, les entends-tu ma sœur ?"

     

    Résignée., Karin décroise les mains.

    "L'homme m'a ravi tout espoir.

    Les loups peuvent bien hurler.

    Ils sont chez eux.

    Nous ne sommes que des  étrangères. 

    Et puis, qu'importe ce qu'il advient car de l'enfer

    qui me ronge, je ne saurai jamais guérir."

     

    " Et pourquoi guérir de l'Amour ?"

    Edith, de son sourire, pénètre le silence glacé.

    "Nous sommes volonté et puissance, systrar![13]

    Ne cédons pas au néant. Armorisons ensemble l'éternité.
    Chaque  instant sera la semence

    de notre  poésie. Chaque mot sera fulgurance.
    Notre foyer ici-bas se dessine

     entre les larmes de l'aurore.

    Tombe le chêne en plein midi.

    S'ouvre la fleur noctiflore.

    Mais c'est la vie, mes soeurs, mais c'est la vie !"

     

    What is the meaning of it all ?[14]

    What is the meaning of it all ?

     

    Karin s'ensevelit dans l'ombre. Vie et mort mêlées.

    Déchirement du tout.

    "Må natten komma då[15]."

    "Le lointain pays nous attend mes soeurs. Ecoutez!

    Je l'entends déjà!"

    Ciel marbré d'éclairs. La voix russe

     se hisse des braises.

    "On a tué ma mémoire.[16]"

    "On a tué ma mémoire."

     

    Elle devine les hordes farouches

    qui mordent dans le vent.

    Katherine laisse échapper les fines perles

    de son rire.

    "Tu as raison, Edith! Et si la vie…"

     Karin se penche, subjuguée-

    une lumière au loin, là-bas. Une fenêtre dans la nuit.

    Ses yeux lui brûlent. Elle sent en  elle battre la vie.

    Edith, épouse de l'univers qu'elle fait chanter…

     

    Les remparts de borée s'effacent. Le vent entaille les flocons.

    Où allons- nous ? Le savez-vous ? Ingenstans. Ingenstans.

    Comme un train qui déraille à jamais.

    Transpercées d'infini, elles s'uniraient en une vision d'azur.

    "Tournons la page. Regardons planer l'eider céleste.
    Croyons en la résurrection."

    Katherine se sent lasse soudain.

    Karin ferme les yeux. Edith regarde au loin.

    Anna soupire tandis qu'avide, le train s'élance

    A travers la plaine enneigée, tandis que susurrent les nornes[17]

     

    "Vad ska jag ta mig till ?" "Ingenstans.

    Ingenstans." "Niet eto nie ie."

    "Let us live on memories."
    "On a tué ma mémoire. "

    "What is the meaning of it all ?"

     

    "-Quelle est ta destination, ma soeur ?"

    -"La vallée de Josaphat. Loin des morgues et des prisons ou

    mon refuge sur la Fontanka."

    -"Le sanctuaire de sa présence ou une église aux senteurs d'encens."

    -" Là où je serais guérie, livre de discerner à travers le vécu"

    Edith  repousse son livre:

    -          "Le pays qui n'existe pas. Celui où toutes nous allons, mes sœurs

    où toutes nous allons…"

    Tandis qu'inlassable,

    le train

    sillonne

    les siècles

    multipliés.


     

     



    [1] Train expressionniste

    [2]  Karin Boye (1900-1941) femme écrivain et poétesse suédoise.

    [3]  Katherine Mansfield (1888-1923) écrivain new-zélandaise.

    [4] Edith Södergran  (1888-1923)   poétesse finlandaise

    [5] Anna Akhmatova (1889-1966) poétesse russe

    [6] Supporte et abstiens-toi.

    [7]  Vers quoi vais-je me tourner ? (suédois)

    [8]

    [9] Nulle part. (suédois)

    [10] Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre. Je ne pourrais souffrir ainsi. A Akmatova

    [11]  Etendue glacée du nord de la Scandinavie.

    [12] "Vivons de souvenirs." Katherine Mansfield.

    [13]  Mes sœurs (suédois) Edith Sôdergran. Poèmes.

    [14]  Que signifie tout cela ? Katherine Mansfield.

    [15]  Qu'alors vienne la nuit…(extrait de la Bible)

    [16]  Anna Akmatova. Poèmes.

    [17]  Les trois nornes du passé, du présent et de l'avenir (mythologie scandinave)

    EXPRESSIONISTISKT TÅG[1] 

     

    Till Karin[2], Katherine[3], Edith[4] och Anna[5]

     

    Je dois être volonté de puissance

    Pour ne pas céder à la mort.
    Nietzche.

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le train

        des années vingt

                        roule sur la neige marbrée

    d'Abisko.

    Elles sont là,

    en dérive des cieux,

    toutes en clair-obscur

    dans le wagon des mânes.

     

    Edith rétive à la douleur,

    Caresse  son reflet

    de ses  doigts pathétiques.
    Anna se redresse,

    le regard ébloui

    de ressac glacé.
    Face à elles, Karin

    écoute  murmurer les vents

    le long des terres hiémales.

    Katherine, lovée dans le silence,

    Frissonne.

    Aux confins de l'hyperborée,

    Elles  offrent leur somptueux exil

    Aux entrailles de la  nuit.

     

    Substine. Abstine.[6]

    Karin a les yeux de la Vélata,

    insatiables d'une passion

    sans but ni enclâve. Prêtresse des bannies,

    elle a fait sa valise et a poussé

    la porte du jardin printanier.

     Alingsås sommeillait.
    Personne n'était là

    Pour la retenir.
    Vad ska jag ta mig till ?[7]
    Personne n'aurait pensé…

     

    Les villes changent de nom. Uméå,
    Hosanna -eaux et ciel s'étreignent

    Aux tréfonds d'un hiver

    qui encrasse l'âme et prend en otage

    toutes les pensées. Convulsions de  fjells[8] et de rails.

    Ténèbres foisonnantes. Ingenstans.[9] Ingenstans.

    Aurtrefois une rive. Autrefois…

     

    Brune de sa pudeur orphique

    Anna s'endeuille, marmoréenne,

    dans les flots rouges de la Néva. Elle marche,

    marche digne

    l'angoisse claque dans son sillage

    entre les croix crépusculaires

    bruisse sa Russie

    exsangue de toutes ses prières.
    Niet eto nie ia- eto-kto-drouroi stadayet…[10]

    Mère fatale, mère sanglante orpheline

    Et bourreau. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?

    -"Qu'y-a-t-il ?" Elle pose sur Karin la mélancolie d'un regard.

    -"Je délire. Ne m'écoute pas."

    Sur la vidda[11] sans étoile, les nuages s'égrènent.

    Entrelacs d'insolents espaces. Katherine effleure

    Son reflet.
    "Let us live on memories. [12]

    Rapprochons nous de l'Autrefois,

    guerrières aux  boucliers de mots,

    et combattons jusqu'à la lie.
    Odeur calcinée de l'attente dans la douleur

    tandis que  derrière elles s'effondre

    le siècle mugissant.

    -"Les hurlements des loups, les entends-tu ma sœur ?"

     

    Résignée., Karin décroise les mains.

    "L'homme m'a ravi tout espoir.

    Les loups peuvent bien hurler.

    Ils sont chez eux.

    Nous ne sommes que des  étrangères. 

    Et puis, qu'importe ce qu'il advient car de l'enfer

    qui me ronge, je ne saurai jamais guérir."

     

    " Et pourquoi guérir de l'Amour ?"

    Edith, de son sourire, pénètre le silence glacé.

    "Nous sommes volonté et puissance, systrar![13]

    Ne cédons pas au néant. Armorisons ensemble l'éternité.
    Chaque  instant sera la semence

    de notre  poésie. Chaque mot sera fulgurance.
    Notre foyer ici-bas se dessine

     entre les larmes de l'aurore.

    Tombe le chêne en plein midi.

    S'ouvre la fleur noctiflore.

    Mais c'est la vie, mes soeurs, mais c'est la vie !"

     

    What is the meaning of it all ?[14]

    What is the meaning of it all ?

     

    Karin s'ensevelit dans l'ombre. Vie et mort mêlées.

    Déchirement du tout.

    "Må natten komma då[15]."

    "Le lointain pays nous attend mes soeurs. Ecoutez!

    Je l'entends déjà!"

    Ciel marbré d'éclairs. La voix russe

     se hisse des braises.

    "On a tué ma mémoire.[16]"

    "On a tué ma mémoire."

     

    Elle devine les hordes farouches

    qui mordent dans le vent.

    Katherine laisse échapper les fines perles

    de son rire.

    "Tu as raison, Edith! Et si la vie…"

     Karin se penche, subjuguée-

    une lumière au loin, là-bas. Une fenêtre dans la nuit.

    Ses yeux lui brûlent. Elle sent en  elle battre la vie.

    Edith, épouse de l'univers qu'elle fait chanter…

     

    Les remparts de borée s'effacent. Le vent entaille les flocons.

    Où allons- nous ? Le savez-vous ? Ingenstans. Ingenstans.

    Comme un train qui déraille à jamais.

    Transpercées d'infini, elles s'uniraient en une vision d'azur.

    "Tournons la page. Regardons planer l'eider céleste.
    Croyons en la résurrection."

    Katherine se sent lasse soudain.

    Karin ferme les yeux. Edith regarde au loin.

    Anna soupire tandis qu'avide, le train s'élance

    A travers la plaine enneigée, tandis que susurrent les nornes[17]

     

    "Vad ska jag ta mig till ?" "Ingenstans.

    Ingenstans." "Niet eto nie ie."

    "Let us live on memories."
    "On a tué ma mémoire. "

    "What is the meaning of it all ?"

     

    "-Quelle est ta destination, ma soeur ?"

    -"La vallée de Josaphat. Loin des morgues et des prisons ou

    mon refuge sur la Fontanka."

    -"Le sanctuaire de sa présence ou une église aux senteurs d'encens."

    -" Là où je serais guérie, livre de discerner à travers le vécu"

    Edith  repousse son livre:

    -          "Le pays qui n'existe pas. Celui où toutes nous allons, mes sœurs

    où toutes nous allons…"

    Tandis qu'inlassable,

    le train

    sillonne

    les siècles

    multipliés.

     

     



    [1] Train expressionniste

    [2]  Karin Boye (1900-1941) femme écrivain et poétesse suédoise.

    [3]  Katherine Mansfield (1888-1923) écrivain new-zélandaise.

    [4] Edith Södergran  (1888-1923)   poétesse finlandaise

    [5] Anna Akhmatova (1889-1966) poétesse russe

    [6] Supporte et abstiens-toi.

    [7]  Vers quoi vais-je me tourner ? (suédois)

    [8]

    [9] Nulle part. (suédois)

    [10] Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre. Je ne pourrais souffrir ainsi. A Akmatova

    [11]  Etendue glacée du nord de la Scandinavie.

    [12] "Vivons de souvenirs." Katherine Mansfield.

    [13]  Mes sœurs (suédois) Edith Sôdergran. Poèmes.

    [14]  Que signifie tout cela ? Katherine Mansfield.

    [15]  Qu'alors vienne la nuit…(extrait de la Bible)

    [16]  Anna Akmatova. Poèmes.

    [17]  Les trois nornes du passé, du présent et de l'avenir (mythologie scandinave)