-
EXPRESSIONISTISKT TÅG[1]
Till Karin[2], Katherine[3], Edith[4] och Anna[5]…
Je dois être volonté de puissance
Pour ne pas céder à la mort.
Nietzche.
Le train
des années vingt
roule sur la neige marbrée
d'Abisko.
Elles sont là,
en dérive des cieux,
toutes en clair-obscur
dans le wagon des mânes.
Edith rétive à la douleur,
Caresse son reflet
de ses doigts pathétiques.
Anna se redresse,le regard ébloui
de ressac glacé.
Face à elles, Karinécoute murmurer les vents
le long des terres hiémales.
Katherine, lovée dans le silence,
Frissonne.
Aux confins de l'hyperborée,
Elles offrent leur somptueux exil
Aux entrailles de la nuit.
Substine. Abstine.[6]
Karin a les yeux de la Vélata,
insatiables d'une passion
sans but ni enclâve. Prêtresse des bannies,
elle a fait sa valise et a poussé
la porte du jardin printanier.
Alingsås sommeillait.
Personne n'était làPour la retenir.
Vad ska jag ta mig till ?[7]
Personne n'aurait pensé…Les villes changent de nom. Uméå,
Hosanna -eaux et ciel s'étreignentAux tréfonds d'un hiver
qui encrasse l'âme et prend en otage
toutes les pensées. Convulsions de fjells[8] et de rails.
Ténèbres foisonnantes. Ingenstans.[9] Ingenstans.
Aurtrefois une rive. Autrefois…
Brune de sa pudeur orphique
Anna s'endeuille, marmoréenne,
dans les flots rouges de la Néva. Elle marche,
marche digne
l'angoisse claque dans son sillage
entre les croix crépusculaires
bruisse sa Russie
exsangue de toutes ses prières.
Niet eto nie ia- eto-kto-drouroi stadayet…[10]Mère fatale, mère sanglante orpheline
Et bourreau. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?
-"Qu'y-a-t-il ?" Elle pose sur Karin la mélancolie d'un regard.
-"Je délire. Ne m'écoute pas."
Sur la vidda[11] sans étoile, les nuages s'égrènent.
Entrelacs d'insolents espaces. Katherine effleure
Son reflet.
"Let us live on memories. [12]Rapprochons nous de l'Autrefois,
guerrières aux boucliers de mots,
et combattons jusqu'à la lie.
Odeur calcinée de l'attente dans la douleurtandis que derrière elles s'effondre
le siècle mugissant.
-"Les hurlements des loups, les entends-tu ma sœur ?"
Résignée., Karin décroise les mains.
"L'homme m'a ravi tout espoir.
Les loups peuvent bien hurler.
Ils sont chez eux.
Nous ne sommes que des étrangères.
Et puis, qu'importe ce qu'il advient car de l'enfer
qui me ronge, je ne saurai jamais guérir."
" Et pourquoi guérir de l'Amour ?"
Edith, de son sourire, pénètre le silence glacé.
"Nous sommes volonté et puissance, systrar![13]
Ne cédons pas au néant. Armorisons ensemble l'éternité.
Chaque instant sera la semencede notre poésie. Chaque mot sera fulgurance.
Notre foyer ici-bas se dessineentre les larmes de l'aurore.
Tombe le chêne en plein midi.
S'ouvre la fleur noctiflore.
Mais c'est la vie, mes soeurs, mais c'est la vie !"
What is the meaning of it all ?[14]
What is the meaning of it all ?
Karin s'ensevelit dans l'ombre. Vie et mort mêlées.
Déchirement du tout.
"Må natten komma då[15]."
"Le lointain pays nous attend mes soeurs. Ecoutez!
Je l'entends déjà!"
Ciel marbré d'éclairs. La voix russe
se hisse des braises.
"On a tué ma mémoire.[16]"
"On a tué ma mémoire."
Elle devine les hordes farouches
qui mordent dans le vent.
Katherine laisse échapper les fines perles
de son rire.
"Tu as raison, Edith! Et si la vie…"
Karin se penche, subjuguée-
une lumière au loin, là-bas. Une fenêtre dans la nuit.
Ses yeux lui brûlent. Elle sent en elle battre la vie.
Edith, épouse de l'univers qu'elle fait chanter…
Les remparts de borée s'effacent. Le vent entaille les flocons.
Où allons- nous ? Le savez-vous ? Ingenstans. Ingenstans.
Comme un train qui déraille à jamais.
Transpercées d'infini, elles s'uniraient en une vision d'azur.
"Tournons la page. Regardons planer l'eider céleste.
Croyons en la résurrection."Katherine se sent lasse soudain.
Karin ferme les yeux. Edith regarde au loin.
Anna soupire tandis qu'avide, le train s'élance
A travers la plaine enneigée, tandis que susurrent les nornes[17]
"Vad ska jag ta mig till ?" "Ingenstans.
Ingenstans." "Niet eto nie ie."
"Let us live on memories."
"On a tué ma mémoire. ""What is the meaning of it all ?"
"-Quelle est ta destination, ma soeur ?"
-"La vallée de Josaphat. Loin des morgues et des prisons ou
mon refuge sur la Fontanka."
-"Le sanctuaire de sa présence ou une église aux senteurs d'encens."
-" Là où je serais guérie, livre de discerner à travers le vécu"
Edith repousse son livre:
- "Le pays qui n'existe pas. Celui où toutes nous allons, mes sœurs
où toutes nous allons…"
Tandis qu'inlassable,
le train
sillonne
les siècles
multipliés.
[1] Train expressionniste
[2] Karin Boye (1900-1941) femme écrivain et poétesse suédoise.
[3] Katherine Mansfield (1888-1923) écrivain new-zélandaise.
[4] Edith Södergran (1888-1923) poétesse finlandaise
[5] Anna Akhmatova (1889-1966) poétesse russe
[6] Supporte et abstiens-toi.
[7] Vers quoi vais-je me tourner ? (suédois)
[9] Nulle part. (suédois)
[10] Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre. Je ne pourrais souffrir ainsi. A Akmatova
[11] Etendue glacée du nord de la Scandinavie.
[12] "Vivons de souvenirs." Katherine Mansfield.
[13] Mes sœurs (suédois) Edith Sôdergran. Poèmes.
[14] Que signifie tout cela ? Katherine Mansfield.
[15] Qu'alors vienne la nuit…(extrait de la Bible)
[16] Anna Akmatova. Poèmes.
[17] Les trois nornes du passé, du présent et de l'avenir (mythologie scandinave)
EXPRESSIONISTISKT TÅG[1]
Till Karin[2], Katherine[3], Edith[4] och Anna[5]…
Je dois être volonté de puissance
Pour ne pas céder à la mort.
Nietzche.Le train
des années vingt
roule sur la neige marbrée
d'Abisko.
Elles sont là,
en dérive des cieux,
toutes en clair-obscur
dans le wagon des mânes.
Edith rétive à la douleur,
Caresse son reflet
de ses doigts pathétiques.
Anna se redresse,le regard ébloui
de ressac glacé.
Face à elles, Karinécoute murmurer les vents
le long des terres hiémales.
Katherine, lovée dans le silence,
Frissonne.
Aux confins de l'hyperborée,
Elles offrent leur somptueux exil
Aux entrailles de la nuit.
Substine. Abstine.[6]
Karin a les yeux de la Vélata,
insatiables d'une passion
sans but ni enclâve. Prêtresse des bannies,
elle a fait sa valise et a poussé
la porte du jardin printanier.
Alingsås sommeillait.
Personne n'était làPour la retenir.
Vad ska jag ta mig till ?[7]
Personne n'aurait pensé…Les villes changent de nom. Uméå,
Hosanna -eaux et ciel s'étreignentAux tréfonds d'un hiver
qui encrasse l'âme et prend en otage
toutes les pensées. Convulsions de fjells[8] et de rails.
Ténèbres foisonnantes. Ingenstans.[9] Ingenstans.
Aurtrefois une rive. Autrefois…
Brune de sa pudeur orphique
Anna s'endeuille, marmoréenne,
dans les flots rouges de la Néva. Elle marche,
marche digne
l'angoisse claque dans son sillage
entre les croix crépusculaires
bruisse sa Russie
exsangue de toutes ses prières.
Niet eto nie ia- eto-kto-drouroi stadayet…[10]Mère fatale, mère sanglante orpheline
Et bourreau. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?
-"Qu'y-a-t-il ?" Elle pose sur Karin la mélancolie d'un regard.
-"Je délire. Ne m'écoute pas."
Sur la vidda[11] sans étoile, les nuages s'égrènent.
Entrelacs d'insolents espaces. Katherine effleure
Son reflet.
"Let us live on memories. [12]Rapprochons nous de l'Autrefois,
guerrières aux boucliers de mots,
et combattons jusqu'à la lie.
Odeur calcinée de l'attente dans la douleurtandis que derrière elles s'effondre
le siècle mugissant.
-"Les hurlements des loups, les entends-tu ma sœur ?"
Résignée., Karin décroise les mains.
"L'homme m'a ravi tout espoir.
Les loups peuvent bien hurler.
Ils sont chez eux.
Nous ne sommes que des étrangères.
Et puis, qu'importe ce qu'il advient car de l'enfer
qui me ronge, je ne saurai jamais guérir."
" Et pourquoi guérir de l'Amour ?"
Edith, de son sourire, pénètre le silence glacé.
"Nous sommes volonté et puissance, systrar![13]
Ne cédons pas au néant. Armorisons ensemble l'éternité.
Chaque instant sera la semencede notre poésie. Chaque mot sera fulgurance.
Notre foyer ici-bas se dessineentre les larmes de l'aurore.
Tombe le chêne en plein midi.
S'ouvre la fleur noctiflore.
Mais c'est la vie, mes soeurs, mais c'est la vie !"
What is the meaning of it all ?[14]
What is the meaning of it all ?
Karin s'ensevelit dans l'ombre. Vie et mort mêlées.
Déchirement du tout.
"Må natten komma då[15]."
"Le lointain pays nous attend mes soeurs. Ecoutez!
Je l'entends déjà!"
Ciel marbré d'éclairs. La voix russe
se hisse des braises.
"On a tué ma mémoire.[16]"
"On a tué ma mémoire."
Elle devine les hordes farouches
qui mordent dans le vent.
Katherine laisse échapper les fines perles
de son rire.
"Tu as raison, Edith! Et si la vie…"
Karin se penche, subjuguée-
une lumière au loin, là-bas. Une fenêtre dans la nuit.
Ses yeux lui brûlent. Elle sent en elle battre la vie.
Edith, épouse de l'univers qu'elle fait chanter…
Les remparts de borée s'effacent. Le vent entaille les flocons.
Où allons- nous ? Le savez-vous ? Ingenstans. Ingenstans.
Comme un train qui déraille à jamais.
Transpercées d'infini, elles s'uniraient en une vision d'azur.
"Tournons la page. Regardons planer l'eider céleste.
Croyons en la résurrection."Katherine se sent lasse soudain.
Karin ferme les yeux. Edith regarde au loin.
Anna soupire tandis qu'avide, le train s'élance
A travers la plaine enneigée, tandis que susurrent les nornes[17]
"Vad ska jag ta mig till ?" "Ingenstans.
Ingenstans." "Niet eto nie ie."
"Let us live on memories."
"On a tué ma mémoire. ""What is the meaning of it all ?"
"-Quelle est ta destination, ma soeur ?"
-"La vallée de Josaphat. Loin des morgues et des prisons ou
mon refuge sur la Fontanka."
-"Le sanctuaire de sa présence ou une église aux senteurs d'encens."
-" Là où je serais guérie, livre de discerner à travers le vécu"
Edith repousse son livre:
- "Le pays qui n'existe pas. Celui où toutes nous allons, mes sœurs
où toutes nous allons…"
Tandis qu'inlassable,
le train
sillonne
les siècles
multipliés.
[1] Train expressionniste
[2] Karin Boye (1900-1941) femme écrivain et poétesse suédoise.
[3] Katherine Mansfield (1888-1923) écrivain new-zélandaise.
[4] Edith Södergran (1888-1923) poétesse finlandaise
[5] Anna Akhmatova (1889-1966) poétesse russe
[6] Supporte et abstiens-toi.
[7] Vers quoi vais-je me tourner ? (suédois)
[9] Nulle part. (suédois)
[10] Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre. Je ne pourrais souffrir ainsi. A Akmatova
[11] Etendue glacée du nord de la Scandinavie.
[12] "Vivons de souvenirs." Katherine Mansfield.
[13] Mes sœurs (suédois) Edith Sôdergran. Poèmes.
[14] Que signifie tout cela ? Katherine Mansfield.
[15] Qu'alors vienne la nuit…(extrait de la Bible)
[16] Anna Akmatova. Poèmes.
[17] Les trois nornes du passé, du présent et de l'avenir (mythologie scandinave)
EXPRESSIONISTISKT TÅG[1]
Till Karin[2], Katherine[3], Edith[4] och Anna[5]…
Je dois être volonté de puissance
Pour ne pas céder à la mort.
Nietzche.
Le train
des années vingt
roule sur la neige marbrée
d'Abisko.
Elles sont là,
en dérive des cieux,
toutes en clair-obscur
dans le wagon des mânes.
Edith rétive à la douleur,
Caresse son reflet
de ses doigts pathétiques.
Anna se redresse,le regard ébloui
de ressac glacé.
Face à elles, Karinécoute murmurer les vents
le long des terres hiémales.
Katherine, lovée dans le silence,
Frissonne.
Aux confins de l'hyperborée,
Elles offrent leur somptueux exil
Aux entrailles de la nuit.
Substine. Abstine.[6]
Karin a les yeux de la Vélata,
insatiables d'une passion
sans but ni enclâve. Prêtresse des bannies,
elle a fait sa valise et a poussé
la porte du jardin printanier.
Alingsås sommeillait.
Personne n'était làPour la retenir.
Vad ska jag ta mig till ?[7]
Personne n'aurait pensé…Les villes changent de nom. Uméå,
Hosanna -eaux et ciel s'étreignentAux tréfonds d'un hiver
qui encrasse l'âme et prend en otage
toutes les pensées. Convulsions de fjells[8] et de rails.
Ténèbres foisonnantes. Ingenstans.[9] Ingenstans.
Aurtrefois une rive. Autrefois…
Brune de sa pudeur orphique
Anna s'endeuille, marmoréenne,
dans les flots rouges de la Néva. Elle marche,
marche digne
l'angoisse claque dans son sillage
entre les croix crépusculaires
bruisse sa Russie
exsangue de toutes ses prières.
Niet eto nie ia- eto-kto-drouroi stadayet…[10]Mère fatale, mère sanglante orpheline
Et bourreau. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?
-"Qu'y-a-t-il ?" Elle pose sur Karin la mélancolie d'un regard.
-"Je délire. Ne m'écoute pas."
Sur la vidda[11] sans étoile, les nuages s'égrènent.
Entrelacs d'insolents espaces. Katherine effleure
Son reflet.
"Let us live on memories. [12]Rapprochons nous de l'Autrefois,
guerrières aux boucliers de mots,
et combattons jusqu'à la lie.
Odeur calcinée de l'attente dans la douleurtandis que derrière elles s'effondre
le siècle mugissant.
-"Les hurlements des loups, les entends-tu ma sœur ?"
Résignée., Karin décroise les mains.
"L'homme m'a ravi tout espoir.
Les loups peuvent bien hurler.
Ils sont chez eux.
Nous ne sommes que des étrangères.
Et puis, qu'importe ce qu'il advient car de l'enfer
qui me ronge, je ne saurai jamais guérir."
" Et pourquoi guérir de l'Amour ?"
Edith, de son sourire, pénètre le silence glacé.
"Nous sommes volonté et puissance, systrar![13]
Ne cédons pas au néant. Armorisons ensemble l'éternité.
Chaque instant sera la semencede notre poésie. Chaque mot sera fulgurance.
Notre foyer ici-bas se dessineentre les larmes de l'aurore.
Tombe le chêne en plein midi.
S'ouvre la fleur noctiflore.
Mais c'est la vie, mes soeurs, mais c'est la vie !"
What is the meaning of it all ?[14]
What is the meaning of it all ?
Karin s'ensevelit dans l'ombre. Vie et mort mêlées.
Déchirement du tout.
"Må natten komma då[15]."
"Le lointain pays nous attend mes soeurs. Ecoutez!
Je l'entends déjà!"
Ciel marbré d'éclairs. La voix russe
se hisse des braises.
"On a tué ma mémoire.[16]"
"On a tué ma mémoire."
Elle devine les hordes farouches
qui mordent dans le vent.
Katherine laisse échapper les fines perles
de son rire.
"Tu as raison, Edith! Et si la vie…"
Karin se penche, subjuguée-
une lumière au loin, là-bas. Une fenêtre dans la nuit.
Ses yeux lui brûlent. Elle sent en elle battre la vie.
Edith, épouse de l'univers qu'elle fait chanter…
Les remparts de borée s'effacent. Le vent entaille les flocons.
Où allons- nous ? Le savez-vous ? Ingenstans. Ingenstans.
Comme un train qui déraille à jamais.
Transpercées d'infini, elles s'uniraient en une vision d'azur.
"Tournons la page. Regardons planer l'eider céleste.
Croyons en la résurrection."Katherine se sent lasse soudain.
Karin ferme les yeux. Edith regarde au loin.
Anna soupire tandis qu'avide, le train s'élance
A travers la plaine enneigée, tandis que susurrent les nornes[17]
"Vad ska jag ta mig till ?" "Ingenstans.
Ingenstans." "Niet eto nie ie."
"Let us live on memories."
"On a tué ma mémoire. ""What is the meaning of it all ?"
"-Quelle est ta destination, ma soeur ?"
-"La vallée de Josaphat. Loin des morgues et des prisons ou
mon refuge sur la Fontanka."
-"Le sanctuaire de sa présence ou une église aux senteurs d'encens."
-" Là où je serais guérie, livre de discerner à travers le vécu"
Edith repousse son livre:
- "Le pays qui n'existe pas. Celui où toutes nous allons, mes sœurs
où toutes nous allons…"
Tandis qu'inlassable,
le train
sillonne
les siècles
multipliés.
[1] Train expressionniste
[2] Karin Boye (1900-1941) femme écrivain et poétesse suédoise.
[3] Katherine Mansfield (1888-1923) écrivain new-zélandaise.
[4] Edith Södergran (1888-1923) poétesse finlandaise
[5] Anna Akhmatova (1889-1966) poétesse russe
[6] Supporte et abstiens-toi.
[7] Vers quoi vais-je me tourner ? (suédois)
[9] Nulle part. (suédois)
[10] Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre. Je ne pourrais souffrir ainsi. A Akmatova
[11] Etendue glacée du nord de la Scandinavie.
[12] "Vivons de souvenirs." Katherine Mansfield.
[13] Mes sœurs (suédois) Edith Sôdergran. Poèmes.
[14] Que signifie tout cela ? Katherine Mansfield.
[15] Qu'alors vienne la nuit…(extrait de la Bible)
[16] Anna Akmatova. Poèmes.
[17] Les trois nornes du passé, du présent et de l'avenir (mythologie scandinave)
EXPRESSIONISTISKT TÅG[1]
Till Karin[2], Katherine[3], Edith[4] och Anna[5]…
Je dois être volonté de puissance
Pour ne pas céder à la mort.
Nietzche.Le train
des années vingt
roule sur la neige marbrée
d'Abisko.
Elles sont là,
en dérive des cieux,
toutes en clair-obscur
dans le wagon des mânes.
Edith rétive à la douleur,
Caresse son reflet
de ses doigts pathétiques.
Anna se redresse,le regard ébloui
de ressac glacé.
Face à elles, Karinécoute murmurer les vents
le long des terres hiémales.
Katherine, lovée dans le silence,
Frissonne.
Aux confins de l'hyperborée,
Elles offrent leur somptueux exil
Aux entrailles de la nuit.
Substine. Abstine.[6]
Karin a les yeux de la Vélata,
insatiables d'une passion
sans but ni enclâve. Prêtresse des bannies,
elle a fait sa valise et a poussé
la porte du jardin printanier.
Alingsås sommeillait.
Personne n'était làPour la retenir.
Vad ska jag ta mig till ?[7]
Personne n'aurait pensé…Les villes changent de nom. Uméå,
Hosanna -eaux et ciel s'étreignentAux tréfonds d'un hiver
qui encrasse l'âme et prend en otage
toutes les pensées. Convulsions de fjells[8] et de rails.
Ténèbres foisonnantes. Ingenstans.[9] Ingenstans.
Aurtrefois une rive. Autrefois…
Brune de sa pudeur orphique
Anna s'endeuille, marmoréenne,
dans les flots rouges de la Néva. Elle marche,
marche digne
l'angoisse claque dans son sillage
entre les croix crépusculaires
bruisse sa Russie
exsangue de toutes ses prières.
Niet eto nie ia- eto-kto-drouroi stadayet…[10]Mère fatale, mère sanglante orpheline
Et bourreau. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?
-"Qu'y-a-t-il ?" Elle pose sur Karin la mélancolie d'un regard.
-"Je délire. Ne m'écoute pas."
Sur la vidda[11] sans étoile, les nuages s'égrènent.
Entrelacs d'insolents espaces. Katherine effleure
Son reflet.
"Let us live on memories. [12]Rapprochons nous de l'Autrefois,
guerrières aux boucliers de mots,
et combattons jusqu'à la lie.
Odeur calcinée de l'attente dans la douleurtandis que derrière elles s'effondre
le siècle mugissant.
-"Les hurlements des loups, les entends-tu ma sœur ?"
Résignée., Karin décroise les mains.
"L'homme m'a ravi tout espoir.
Les loups peuvent bien hurler.
Ils sont chez eux.
Nous ne sommes que des étrangères.
Et puis, qu'importe ce qu'il advient car de l'enfer
qui me ronge, je ne saurai jamais guérir."
" Et pourquoi guérir de l'Amour ?"
Edith, de son sourire, pénètre le silence glacé.
"Nous sommes volonté et puissance, systrar![13]
Ne cédons pas au néant. Armorisons ensemble l'éternité.
Chaque instant sera la semencede notre poésie. Chaque mot sera fulgurance.
Notre foyer ici-bas se dessineentre les larmes de l'aurore.
Tombe le chêne en plein midi.
S'ouvre la fleur noctiflore.
Mais c'est la vie, mes soeurs, mais c'est la vie !"
What is the meaning of it all ?[14]
What is the meaning of it all ?
Karin s'ensevelit dans l'ombre. Vie et mort mêlées.
Déchirement du tout.
"Må natten komma då[15]."
"Le lointain pays nous attend mes soeurs. Ecoutez!
Je l'entends déjà!"
Ciel marbré d'éclairs. La voix russe
se hisse des braises.
"On a tué ma mémoire.[16]"
"On a tué ma mémoire."
Elle devine les hordes farouches
qui mordent dans le vent.
Katherine laisse échapper les fines perles
de son rire.
"Tu as raison, Edith! Et si la vie…"
Karin se penche, subjuguée-
une lumière au loin, là-bas. Une fenêtre dans la nuit.
Ses yeux lui brûlent. Elle sent en elle battre la vie.
Edith, épouse de l'univers qu'elle fait chanter…
Les remparts de borée s'effacent. Le vent entaille les flocons.
Où allons- nous ? Le savez-vous ? Ingenstans. Ingenstans.
Comme un train qui déraille à jamais.
Transpercées d'infini, elles s'uniraient en une vision d'azur.
"Tournons la page. Regardons planer l'eider céleste.
Croyons en la résurrection."Katherine se sent lasse soudain.
Karin ferme les yeux. Edith regarde au loin.
Anna soupire tandis qu'avide, le train s'élance
A travers la plaine enneigée, tandis que susurrent les nornes[17]
"Vad ska jag ta mig till ?" "Ingenstans.
Ingenstans." "Niet eto nie ie."
"Let us live on memories."
"On a tué ma mémoire. ""What is the meaning of it all ?"
"-Quelle est ta destination, ma soeur ?"
-"La vallée de Josaphat. Loin des morgues et des prisons ou
mon refuge sur la Fontanka."
-"Le sanctuaire de sa présence ou une église aux senteurs d'encens."
-" Là où je serais guérie, livre de discerner à travers le vécu"
Edith repousse son livre:
- "Le pays qui n'existe pas. Celui où toutes nous allons, mes sœurs
où toutes nous allons…"
Tandis qu'inlassable,
le train
sillonne
les siècles
multipliés.
[1] Train expressionniste
[2] Karin Boye (1900-1941) femme écrivain et poétesse suédoise.
[3] Katherine Mansfield (1888-1923) écrivain new-zélandaise.
[4] Edith Södergran (1888-1923) poétesse finlandaise
[5] Anna Akhmatova (1889-1966) poétesse russe
[6] Supporte et abstiens-toi.
[7] Vers quoi vais-je me tourner ? (suédois)
[9] Nulle part. (suédois)
[10] Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre. Je ne pourrais souffrir ainsi. A Akmatova
[11] Etendue glacée du nord de la Scandinavie.
[12] "Vivons de souvenirs." Katherine Mansfield.
[13] Mes sœurs (suédois) Edith Sôdergran. Poèmes.
[14] Que signifie tout cela ? Katherine Mansfield.
[15] Qu'alors vienne la nuit…(extrait de la Bible)
[16] Anna Akmatova. Poèmes.
[17] Les trois nornes du passé, du présent et de l'avenir (mythologie scandinave)